Quand j’ai lu dernièrement un article de La Presse disant que la pandémie pèse tellement lourd sur la santé mentale des Québécois que la prescription d’antidépresseurs a augmenté deux fois plus vite en moyenne dans la province que dans les quinze dernières années, j’ai voulu parler avec un spécialiste d’un sujet que je trouve hyper important et dont on parle peu : l’incidence de la médication sur la vie sexuelle des gens. J’ai eu un entretien téléphonique avec le sexologue et psychothérapeute François Renaud qui dirige la clinique Le Sexologue de Montréal.
ANTIDÉPRESSEURS : ONT-ILS UN IMPACT SUR LA VIE SEXUELLE?
Selon le sexologue, oui. Mais comme il n’y a pas une recette universelle en matière d’antidépresseurs et que chacun répond différemment aux diverses molécules selon sa génétique, les effets négatifs sur la sexualité varient grandement selon la personne. Certains ont une panne de désir alors pour d’autres, les effets néfastes se manifestent sous forme de problèmes « mécaniques » comme une difficulté à voir une érection ou à lubrifier correctement. Parfois, c’est l’orgasme qui est difficile voire impossible à atteindre. Comment savoir si la médication est en cause? Ce n’est pas une science exacte, mais on m’a expliqué que si le désir sexuel est souvent amoindri pendant la dépression, celle-ci ne devrait pas avoir d’incidence au niveau de l’orgasme ou de l’excitation. Il reste tout de même une zone grise puisqu’il faut considérer que si on a moins de désir sexuel, l’excitation sexuelle et la capacité à obtenir un orgasme peuvent être diminués par la bande. Chez les femmes, la préménopause et la ménopause peuvent aussi causer une diminution du désir et de la lubrification. Dans le doute, mieux vaut en discuter avec son médecin ou pharmacien.
TROUVER SON ÉQUILIBRE
Les antidépresseurs se déclinent en différentes molécules et dosages et il faut parfois du temps pour trouver sa recette. François a vu la situation de certains de ses clients s’améliorer avec un simple ajustement de dosage. Pour certaines personnes, les effets néfastes sont surmontables avec un peu de patience alors que pour d’autres, la panne de désir reste présente et la sexualité devient inexistante. Il y a alors un choix à faire : accepter d’avoir une sexualité différente ou vivre ses troubles anxieux ou dépressifs. Il faut trouver son équilibre, ce avec quoi on vit le mieux selon sa situation actuelle.
COMMENT BIEN ÉVALUER L’ÉTAT DE SA SEXUALITÉ RELATIVEMENT AUX ANTIDÉPRESSEURS?
Le sexologue m’a expliqué qu’on a tendance à évaluer la qualité de notre vie sexuelle par le nombre de relations que nous avons, leur durée, la facilité ou non à avoir un orgasme, la lubrification et la rigidité de l’érection. Ce sont des facteurs quantifiables, mais pas qualifiables et on aurait avantage à ouvrir ses horizons à ce niveau.
“Parfois tu peux avoir une bonne érection, mais la plus mauvaise relation sexuelle que tu n’as jamais eue. Tu ne ressentais pas de plaisir. Tu étais très excité, ton corps a répondu adéquatement, mais le plaisir n’était pas au rendez-vous. Alors des fois, ces effets secondaires-là nous permettent de remettre en perspective la vision qu’on a de la sexualité et de la satisfaction que l’on peut en retrouver. Beaucoup de gens sont centrés sur l’orgasme et considèrent que c’est comme ça qu’ils sont satisfaits et là, ils ne peuvent plus l’avoir alors donc ils doivent s’adapter à un nouveau genre de sexualité. Parfois ça leur ouvre les horizons à être plus satisfaits.” – François Renaud, sexologue et psychoéducateur
PAS QUE DES MAUVAIS CÔTÉS
Il n’y a donc pas que des mauvais côtés à être forcé de revoir sa sexualité. Ceux qui n’appréciaient que le dernier sprint, les quelques secondes avant l’orgasme, pourraient découvrir les bienfaits d’un marathon et de toutes les sensations qu’il peut nous faire vivre incluant des moments d’intimité profonds avec l’être cher. On peut aussi penser que dans le cas de quelqu’un qui aurait une libido beaucoup plus forte que celle de son partenaire, cela pourrait aider à la dynamique sexuelle du couple.
CHACUN SA RECETTE
En santé mentale comme en sexualité, chacun doit trouver sa recette. Que la médication ou le lubrifiant soit un ingrédient essentiel ou non, il faut être à l’écoute de ses sensations et de ses limites, s’informer lorsqu’on a des questionnements, prendre des décisions en fonction de sa situation actuelle et surtout, accepter de devoir parfois réévaluer le tout afin de se réaliser pleinement.